Si les garnitures, capuches et autres cols de nos vêtements viennent souvent de Chine, en France, des animaux sont encore élevés et tués pour leurs pelages. Outre le manque d’informations sur leur provenance, les conditions de vie et d’abattage des bêtes sont souvent sordides.
Pour traquer la fourrure sous toutes ses coutures, un peu de shopping s’impose. Premier constat : c’est dans les garnitures, les cols et autres capuches qu’elle vient le plus souvent se loger. Eplucher les étiquettes est aussi révélateur : du simple mot «fourrure» à l’abréviation «RAC», les informations sont obscures. De quel animal s’agit-il ? D’où vient-il ? Les rares indications claires nous apprennent que la fourrure provient souvent de Chine, pays où la protection et le bien-être animal n’ont pas dépassé le stade de concept.
«En matière de fourrure, les consommateurs ne sont jamais sûrs de ce qu’ils achètent, résume Isabelle Goetz, chargée de campagne au sein de l’association Peta. Par exemple, quand il est écrit "raton laveur", "racoon" ou "racoon dog", il s’agit généralement du chien viverrin, un canidé élevé et consommé en Chine. Il a été rebaptisé car les gens refuseraient d’acheter un vêtement avec de la fourrure de chien.» Nicolas Duhamel, président d’Animalter, va plus loin : «Le problème majeur, c’est que beaucoup de gens ne savent même pas qu’ils achètent de la vraie fourrure.»
La fourrure, c’est comme la viande : on préfère ne pas trop savoir «comment c’est fait». Car on s’en doute, l’envers du vêtement n’est pas reluisant. Qui sait, par exemple, que l’astrakan est une fourrure fœtale, provenant d’un agneau tué dans le ventre de sa mère juste avant sa naissance ?
«On vend de la douceur»
Selon la Fédération des métiers de la fourrure, la France compte treize élevages de visons. Ils seraient, selon Muriel Arnal, présidente de l’association One Voice, «de plus en plus cachés, afin de dissimuler la souffrance des animaux». One Voice a pu se procurer des images tournées dans six de ces élevages. Elles montrent des visons confinés dans des cages exiguës au sol grillagé, vivant dans une saleté repoussante. Une réalité sordide qui cadre mal avec le discours des industriels du vison, qui, sur leur site internet, vantent «un espace suffisant pour se mouvoir» doté d’un «coin à déjections». Quand ils évoquent la «récolte [sic] de la fourrure» et affirment que «ce sacrifice est conduit avec tout le respect qu’il convient envers un animal», One Voice répond qu’âgés de moins d’un an, les visons sont jetés dans des containers puis gazés.
«Quasiment tous les élevages se ressemblent, confirme Arnauld Lhomme, responsable des enquêtes à la Fondation 30 millions d’amis. Les conditions de détention des visons sont abominables. Après l’abattage, leur viande est incinérée car déclarée impropre à la consommation, même animale.»
Un de ces élevages, situé à Emagny, dans le Doubs, est particulièrement montré du doigt. Procès, condamnations, mises en demeure : depuis des années, il multiplie les infractions… et compte s’agrandir pour «accueillir» jusqu’à 18 200 visons. «Par souci d’économie, cet éleveur est allé jusqu’à broyer les cadavres des morts pour les donner à manger aux vivants», raconte Fabien Robert, un riverain qui a pris la tête de l’association en lutte depuis des années contre cet élevage et les pollutions qu’il engendre. «Il ne respecte aucune règle et son activité n’a aucune influence sur l’économie locale. En revanche, la mauvaise gestion des effluents et le va-et-vient des camions, eux, ont un impact local.»
Les visons ne sont pas les seuls animaux élevés en France pour leur fourrure. Outre les élevages de ragondins, Arnaud Lhomme évoque ceux de lapins Orylag, «issus d’une manipulation génétique financée par la recherche, et donc par l’Etat français». L’idée, c’était de pouvoir tout utiliser dans l’Orylag. «Ce lapin est d’abord élevé pour sa chair fine, mais on valorise aussi son pelage très doux», explique Jean Boutteaud, représentant de la Coopérative des éleveurs d’Orylag, qui réunit douze élevages situés entre La Rochelle et Cognac. Chaque élevage produit de 3 000 à 9 000 lapins par an.
Dès l’âge de 2 mois, ils sont placés en cage individuelle puis abattus entre 17 et 21 semaines «dans notre propre abattoir artisanal, à raison de 100 à l’heure. Une cadence bien inférieure à celle d’un abattoir industriel», souligne Jean Boutteaud. Environ 60 % des peaux sont exportées, le reste s’écoule sur le marché du luxe français. «On vend de la douceur», se félicite l’éleveur, qui ajoute que chaque élevage offre des «programmes musicaux» à ses pensionnaires.
«Les femelles sont épilées à vif»
D’autres lapins sont exploités pour le marché de l’angora. Selon Peta, la Chine fournit 90 % de l’angora utilisé dans le monde. Les images que l’association de défense des animaux a tournées là-bas, en 2015 et 2016, sont atroces : les lapins sont attachés sur une planche et leurs poils arrachés à vif tous les trois mois. Qu’en est-il en France ? L’association One Voice est allée enquêter plusieurs mois dans six élevages de lapins angoras. «C’est comme en Chine, sauf que cette industrie est plus petite ici, résume Muriel Arnal. Les femelles sont épilées à vif, attachées à une table. Les mâles, moins fournis en poils, finissent en pâté ou au bûcher.»
Une pétition destinée à la Commission européenne exige la fermeture des 6 000 fermes à fourrure d’Europe ainsi que l’étiquetage détaillé de tous les produits en fourrure importés. Lancée par la Fondation 30 millions d’amis, elle a déjà réuni 257 000 signatures. Pendant ce temps, certains produisent des peluches de luxe en vraie fourrure : des teddys en lapin et vison, avec des «yeux en agneau cousu» et un «nez en cuir de crocodile». On imagine la tête des enfants s’ils savaient ce qu’ils tiennent vraiment entre leurs mains.
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