L'enseigne Botanic retire de ses rayons animalerie les produits à base de pesticides neurotoxiques comme le fipronil (Frontline, Fiprokil, Effitix, Effipro), dangereux entre autres pour le développement cérébral des enfants. Et invite ce samedi les clients à les rapporter en magasin. Bonne nouvelle : des alternatives existent.
C’est le printemps. Médor et Minou gambadent – appelons-les comme ça, même si c’est cliché. Puces et tiques se régalent. Un collier, une pipette, éventuellement un spray, et on n’en parle plus. Sauf que… Sauf que ce geste est tout sauf anodin. Car ces produits contiennent des pesticides chimiques qui ne sont pas toxiques que pour les parasites, loin de là. Parmi eux figurent la perméthrine (mortelle pour les chats) et la tétraméthrine, insecticides neurotoxiques de la famille des pyréthrinoïdes, lesquels ont été associés par des chercheurs de l'Inserm à une "baisse significative" des performances cognitives des enfants, «en particulier de la compréhension verbale et de la mémoire de travail».
Fipronil, cancer et Alzheimer
Quand les bambins caressent leur animal de compagnie, il y a aussi toutes les chances qu’ils touchent du fipronil. Oui, du fipronil, cette substance très toxique à l'origine du scandale des oeufs contaminés, l'été dernier. Si dangereuse, en particulier pour les abeilles, qu’elle a été interdite depuis 2004 pour les agriculteurs français. Autrement dit, alors que la molécule active de l’insecticide agricole Régent, de la firme BASF, est interdite en agriculture, elle est présente en quantité sur nos chiens et chats, donc partout dans nos intérieurs, sur les canapés et lits, sur nos mains caressantes, notamment via les produits Frontline, de Merial (désormais Boehringer Ingelheim).
En analysant en 2014 des cheveux d’enfants pour y mesurer leur exposition à 53 pesticides suspectés d'être des perturbateurs endocriniens, l’association Générations Futures a constaté une exposition «très importante» au fipronil pour les familles utilisant des antiparasitaires pour chiens ou chats. Ce puissant neurotoxique, nocif par simple contact, qui peut aussi contaminer les bébés à travers le lait maternel, est classé cancérigène possible par l’Environmental protection agency (EPA) américaine. Et une étude publiée en mars dans le Journal of Alzheimer's Disease démontre que le fipronil et son dérivé, le fipronil-sulfone, induisent chez le rat des changements dans le cerveau typiques de la maladie d’Alzheimer.
«Cette nouvelle découverte doit absolument et urgemment conduire les autorités à se demander s’il ne serait pas temps de réévaluer l’autorisation du fipronil dans les produits pour animaux domestiques, alerte le chimiste et toxicologue Jean-Marc Bonmatin, chercheur au CNRS et vice-président du Groupe de travail sur les pesticides systémiques (TFSP), qui regroupe une soixantaine de chercheurs de plus de 24 pays sur quatre continents. D’autant que plus on est exposé jeune à cette molécule, plus cela peut avoir des conséquences sur le neuro-développement, car c’est pendant la grossesse et les premières années que se construisent le système nerveux et le cerveau. Et je ne parle même pas de la santé des animaux domestiques ».
Paradoxalement, en plus d’être dangereux, le fipronil n’est plus efficace, car les puces et tiques y sont devenues résistantes, « de sorte que les produits vétérinaires y mélangent la perméthrine (Effitix) ou le non moins controversé pyriproxifène (Effipro) ou le méthoprène (Frontline) », ajoute le chercheur. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) exigera-t-elle le retrait de produits animaliers contenant ces pesticides, comme elle l'a fait en 2012 pour de nombreux colliers antipuces au dimpylate, au propoxur ou au tétrachlorvinphos ? Pour l’instant, officiellement, rien.
Huiles essentielles, pyrèthre et terre de diatomées
Pourtant, des alternatives existent. C’est bien pour cela que l’enseigne Botanic vient de retirer définitivement les pesticides chimiques de ses rayons animalerie, comme elle l’avait fait il y a dix ans en jardinerie. Ce samedi, les clients – et «tous les citoyens» en général – sont d’ailleurs invités à rapporter en magazin ces produits chimiques pour qu’ils soient détruits par un organisme spécialisé dans l’élimination des déchets dangereux. A la place, ils sont invités à découvrir une quarantaine de soins naturels. Les pipettes, shampooings ou colliers contiennent des extraits de margosa (ou neem) et de pyrèthre, arbre et plante reconnus pour leurs propriétés répulsives. Les sprays pour l’habitat sont à base d’huiles essentielles de tea tree, de citronnelle, de géranium rosa et de lavandin.
Surtout, des conseillers sont formés pour expliquer l’importance de la prévention. Comme en agriculture biologique, l’idée est de faire attention, d’observer, pour détecter leur présence le plus tôt possible. On prévient l'infestation avec les répulsifs. De retour de la promenade dans les bois, on inspecte Médor pour les tiques. Et dès les premières puces, passer un peigne trempé dans le l’eau avec quelques gouttes d’huile essentielle de géranium peut suffire pour les capturer. Sinon, en cas d’infestation plus forte, on peut utiliser un insecticide doux à base de pyrèthre.
Ou de la terre de diatomées, une poudre constituée de micro-algues fossilisées, sorte de rasoirs microscopiques qui cisaillent la carapace des insectes, lesquels meurent déshydratés. Testé et approuvé par l’auteure de ces lignes pour se débarrasser d’une infestation de puces cauchemardesque, que des quantités de produits chimiques n’avaient pas réussi à résoudre. Botanic propose aussi, en dernier recours, une solution à usage externe, à base de diméticone, une molécule chimique qui n’est pas un pesticide mais une huile au silicone qui englue les parasites.
Argile et élixirs floraux
«J’ai redécouvert les huiles essentielles dans les années 1990, après avoir constaté une augmentation des vomissements, épilepsies, cancers ou l’apparition de maladies nouvelles telles que l’hyperthyroïdie chez les animaux dont je m’occupais, témoigne la vétérinaire Jacqueline Peker, désormais à la retraite. L’huile essentielle de géranium ou de palmarosa marche bien, y compris chez les chevaux. Idem pour le neem et le pyrèthre, même s’il faut faire attention aux dosages et aux risques d’allergies. L’argile aussi est un produit miracle, pour le moindre bobo, les démangeaisons». A la place des os anti-tartre vendus pour les chiens, la vétérinaire préconise de nettoyer leurs dents au bicarbonate de soude. Et plutôt que du Prozac, prescrit en masse à nos quadrupèdes dépressifs, elle conseille des élixirs floraux qui soignent le mal des transports, l’anxiété, ou l’ennui. «Mais l'alimentation industrielle et la parapharmacie de synthèse sont devenues un énorme business et les résistances sont fortes, y compris chez mes confrères», déplore-t-elle.
Les autres animaleries suivront-elles l’initiative de Botanic, comme cela a été le cas pour les pesticides en jardineries, peu à peu retirés des linéaires ? Et le législateur ? Pour les jardiniers amateurs, la loi interdit la vente en libre-service des pesticides les plus dangereux depuis le 1er janvier 2017, préfigurant une interdiction de la vente aux particuliers des pesticides chimiques le 1er janvier 2019. En attendant que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités et adoptent des mesures similaires pour les pesticides en animalerie, rien n’empêche les propriétaires de Médor et de Minou d’agir en «consom’acteurs».
http://www.liberation.fr/france/2018/04/07/alerte-sur-les-antipuces-bourres-d-insecticides-neurotoxiques_1641626
C’est le printemps. Médor et Minou gambadent – appelons-les comme ça, même si c’est cliché. Puces et tiques se régalent. Un collier, une pipette, éventuellement un spray, et on n’en parle plus. Sauf que… Sauf que ce geste est tout sauf anodin. Car ces produits contiennent des pesticides chimiques qui ne sont pas toxiques que pour les parasites, loin de là. Parmi eux figurent la perméthrine (mortelle pour les chats) et la tétraméthrine, insecticides neurotoxiques de la famille des pyréthrinoïdes, lesquels ont été associés par des chercheurs de l'Inserm à une "baisse significative" des performances cognitives des enfants, «en particulier de la compréhension verbale et de la mémoire de travail».
Fipronil, cancer et Alzheimer
Quand les bambins caressent leur animal de compagnie, il y a aussi toutes les chances qu’ils touchent du fipronil. Oui, du fipronil, cette substance très toxique à l'origine du scandale des oeufs contaminés, l'été dernier. Si dangereuse, en particulier pour les abeilles, qu’elle a été interdite depuis 2004 pour les agriculteurs français. Autrement dit, alors que la molécule active de l’insecticide agricole Régent, de la firme BASF, est interdite en agriculture, elle est présente en quantité sur nos chiens et chats, donc partout dans nos intérieurs, sur les canapés et lits, sur nos mains caressantes, notamment via les produits Frontline, de Merial (désormais Boehringer Ingelheim).
En analysant en 2014 des cheveux d’enfants pour y mesurer leur exposition à 53 pesticides suspectés d'être des perturbateurs endocriniens, l’association Générations Futures a constaté une exposition «très importante» au fipronil pour les familles utilisant des antiparasitaires pour chiens ou chats. Ce puissant neurotoxique, nocif par simple contact, qui peut aussi contaminer les bébés à travers le lait maternel, est classé cancérigène possible par l’Environmental protection agency (EPA) américaine. Et une étude publiée en mars dans le Journal of Alzheimer's Disease démontre que le fipronil et son dérivé, le fipronil-sulfone, induisent chez le rat des changements dans le cerveau typiques de la maladie d’Alzheimer.
«Cette nouvelle découverte doit absolument et urgemment conduire les autorités à se demander s’il ne serait pas temps de réévaluer l’autorisation du fipronil dans les produits pour animaux domestiques, alerte le chimiste et toxicologue Jean-Marc Bonmatin, chercheur au CNRS et vice-président du Groupe de travail sur les pesticides systémiques (TFSP), qui regroupe une soixantaine de chercheurs de plus de 24 pays sur quatre continents. D’autant que plus on est exposé jeune à cette molécule, plus cela peut avoir des conséquences sur le neuro-développement, car c’est pendant la grossesse et les premières années que se construisent le système nerveux et le cerveau. Et je ne parle même pas de la santé des animaux domestiques ».
Paradoxalement, en plus d’être dangereux, le fipronil n’est plus efficace, car les puces et tiques y sont devenues résistantes, « de sorte que les produits vétérinaires y mélangent la perméthrine (Effitix) ou le non moins controversé pyriproxifène (Effipro) ou le méthoprène (Frontline) », ajoute le chercheur. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) exigera-t-elle le retrait de produits animaliers contenant ces pesticides, comme elle l'a fait en 2012 pour de nombreux colliers antipuces au dimpylate, au propoxur ou au tétrachlorvinphos ? Pour l’instant, officiellement, rien.
Huiles essentielles, pyrèthre et terre de diatomées
Pourtant, des alternatives existent. C’est bien pour cela que l’enseigne Botanic vient de retirer définitivement les pesticides chimiques de ses rayons animalerie, comme elle l’avait fait il y a dix ans en jardinerie. Ce samedi, les clients – et «tous les citoyens» en général – sont d’ailleurs invités à rapporter en magazin ces produits chimiques pour qu’ils soient détruits par un organisme spécialisé dans l’élimination des déchets dangereux. A la place, ils sont invités à découvrir une quarantaine de soins naturels. Les pipettes, shampooings ou colliers contiennent des extraits de margosa (ou neem) et de pyrèthre, arbre et plante reconnus pour leurs propriétés répulsives. Les sprays pour l’habitat sont à base d’huiles essentielles de tea tree, de citronnelle, de géranium rosa et de lavandin.
Surtout, des conseillers sont formés pour expliquer l’importance de la prévention. Comme en agriculture biologique, l’idée est de faire attention, d’observer, pour détecter leur présence le plus tôt possible. On prévient l'infestation avec les répulsifs. De retour de la promenade dans les bois, on inspecte Médor pour les tiques. Et dès les premières puces, passer un peigne trempé dans le l’eau avec quelques gouttes d’huile essentielle de géranium peut suffire pour les capturer. Sinon, en cas d’infestation plus forte, on peut utiliser un insecticide doux à base de pyrèthre.
Ou de la terre de diatomées, une poudre constituée de micro-algues fossilisées, sorte de rasoirs microscopiques qui cisaillent la carapace des insectes, lesquels meurent déshydratés. Testé et approuvé par l’auteure de ces lignes pour se débarrasser d’une infestation de puces cauchemardesque, que des quantités de produits chimiques n’avaient pas réussi à résoudre. Botanic propose aussi, en dernier recours, une solution à usage externe, à base de diméticone, une molécule chimique qui n’est pas un pesticide mais une huile au silicone qui englue les parasites.
Argile et élixirs floraux
«J’ai redécouvert les huiles essentielles dans les années 1990, après avoir constaté une augmentation des vomissements, épilepsies, cancers ou l’apparition de maladies nouvelles telles que l’hyperthyroïdie chez les animaux dont je m’occupais, témoigne la vétérinaire Jacqueline Peker, désormais à la retraite. L’huile essentielle de géranium ou de palmarosa marche bien, y compris chez les chevaux. Idem pour le neem et le pyrèthre, même s’il faut faire attention aux dosages et aux risques d’allergies. L’argile aussi est un produit miracle, pour le moindre bobo, les démangeaisons». A la place des os anti-tartre vendus pour les chiens, la vétérinaire préconise de nettoyer leurs dents au bicarbonate de soude. Et plutôt que du Prozac, prescrit en masse à nos quadrupèdes dépressifs, elle conseille des élixirs floraux qui soignent le mal des transports, l’anxiété, ou l’ennui. «Mais l'alimentation industrielle et la parapharmacie de synthèse sont devenues un énorme business et les résistances sont fortes, y compris chez mes confrères», déplore-t-elle.
Les autres animaleries suivront-elles l’initiative de Botanic, comme cela a été le cas pour les pesticides en jardineries, peu à peu retirés des linéaires ? Et le législateur ? Pour les jardiniers amateurs, la loi interdit la vente en libre-service des pesticides les plus dangereux depuis le 1er janvier 2017, préfigurant une interdiction de la vente aux particuliers des pesticides chimiques le 1er janvier 2019. En attendant que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités et adoptent des mesures similaires pour les pesticides en animalerie, rien n’empêche les propriétaires de Médor et de Minou d’agir en «consom’acteurs».
http://www.liberation.fr/france/2018/04/07/alerte-sur-les-antipuces-bourres-d-insecticides-neurotoxiques_1641626