Ses liens avec une société spécialisée dans l'euthanasie sont dénoncés.

La SPA, «euthanasieuse» de chiens et chats ? La Société protectrice des animaux (initialement nommée Sauver, Protéger, Aimer) est vilipendée de longue date pour sa gestion des fourrières, dont certains pensionnaires sont immanquablement expédiés ad patres. Mais elle persiste dans sa politique du moindre mal : plutôt effectuer soi-même le sale boulot de ramassage et gardiennage des animaux errants que de le confier à des intervenants moins scrupuleux. Le sujet ne sera guère à l'ordre du jour de son assemblée générale, aujourd'hui à Paris.

Tabou. Mais quand même : ses contempteurs ­ le journal Atout Chat, la Confédération nationale des SPA (1), des opposants internes... ­ considèrent que la SPA va un peu trop loin avec sa récente association avec une société privée, Sacpa (Service pour l'assistance et le contrôle du peuplement animal), spécialisée dans les opérations-commandos dont l'objet social mentionne «capture, effarouchement acoustique, répulsion mécanique, euthanasie de tous animaux».

Le sujet est en partie tabou, mais inhérent à la vocation historique de la SPA. Fondée en 1845, elle s'est longtemps battue pour obtenir la gestion de la fourrière de Paris, dont les locataires étaient euthanasiés en masse ou livrés à l'expérimentation animale. En 1960, elle obtient son transfert au site de Gennevilliers, qu'elle gère directement. «Cette décision courageuse a été payée au prix fort, souligne une dirigeante. Pendant des dizaines d'années, nous avons été méprisés pour gérer la fourrière.» Les mains dans le cambouis, l'association doit attendre les lois de 1989 puis de 1999 pour obtenir que les pensionnaires des fourrières ­ «l'antichambre de la mort» ­ puissent être placés en refuge et proposés à l'adoption.

L'actuel président de la SPA, Serge Belais, affiche aujourd'hui à Gennevilliers un taux d'euthanasie de 7 % pour les chiens et de 8 % pour les chats. Il assume pleinement l'alliance avec Sacpa, conséquence de la récente évolution législative. Les associations doivent désormais séparer clairement leurs activités non lucratives et commerciales. Et les communes ont l'obligation de participer au ramassage des animaux vagabonds, défini comme un service public, et de financer une fourrière (2).

Ce fromage attire des sociétés privées comme Sacpa, spécialisée dans l'éradication du pigeon avant de se diversifier dans le chat et le chien errants (euthanasiés à 70 % et 90 %). Les associations pouvant craindre un retour en arrière en matière de traitement animal, la SPA a composé tout en se coulant dans la législation. «Sacpa a accepté d'entériner notre philosophie de protection animale, indique Serge Belais. L'animal est tatoué, soigné, vacciné. L'euthanasie ne peut être que médicale, mais pas de convenance ou de régulation.» Depuis l'alliance avec la SPA, il y a deux ans, via une filiale commune, les taux d'euthanasie de Sacpa auraient chuté : moins de 10 % pour les chiens, moins de 20 % pour les chats.

Mais des bénévoles de la SPA ont parfois des doutes. Depuis que la gestion d'une fourrière est définie comme une activité commerciale et rémunérée, ils sont persona non grata, alors qu'ils se dévouaient à promener régulièrement les animaux en cage. Certains ne sont pas loin de croire qu'on veut leur cacher de bien vilaines choses, la vie des 53 refuges de la SPA étant émaillée de luttes intestines, entre bénévoles et permanents, entre dirigeants.

A Vaux-le-Pénil (Seine-et-Marne), un groupe de bénévoles a un jour signé une pétition dénonçant un véritable «mouroir pour chats». A Brugheas (Allier), un membre de la cellule antitrafic de la SPA a consigné par écrit plusieurs «manquements à la protection animale» : une responsable du refuge qui «tabasse à coups de poing» un berger allemand ; un employé qui torture les oreilles d'un beauceron de 8 mois pour lui apprendre à obéir. Ou encore une folle dingue qui euthanasie selon son bon plaisir sélectif et punit (500 lignes à copier...) quiconque remet en cause son autorité. Ce membre de la cellule antitrafic a démissionné l'an dernier, «très attaché à la SPA mais très inquiet quant à son devenir éthique».

La vitrine de la SPA, Gennevilliers, a donné lieu en 1996 à une virulente contestation. «Expérimentation animale», «essai clinique» ? En pleine épidémie, une vingtaine de chiens avaient testé, moyennant contribution, un antibiotique contre la toux mis au point par un laboratoire pharmaceutique. Pas de quoi fouetter un chat, mais suffisamment pour déclencher l'une de ces polémiques dont la SPA a le secret. La direction proteste de sa bonne foi ­ «pas d'expérimentation, pas d'essai clinique» ­ sans préjuger d'un dérapage ponctuel.

Il y a quel ques années, un membre de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort livrait par écrit son témoignage. Alerté par la présence d'un chien ayant une médaille estampillée SPA, il s'était rendu compte que l'animal s'était échappé du centre d'expérimentation animale, qu'il avait été récupéré par la SPA, laquelle l'avait aussitôt renvoyé, sans plus de formalité, vers Maisons-Alfort. Interpellée, la SPA aurait plaidé l'erreur malencontreuse.

Image. Là encore, Serge Belais tient à relativiser. «La SPA avait un discours extrémiste : contre les chasseurs, contre les vétérinaires, contre tout... Aujourd'hui, il y a un certain type d'expérimentation animale qui est perçu comme nécessaire. Mais cela ne veut pas dire que l'on fournit.» Discours raisonnable, parfois brouillé par les détournements financiers et les soupçons de dérive commerciale. Reste l'image : c'est la SPA, et personne d'autre, qui a récupéré les poules du Loft, fort mal traitées par ses occupants.

(1) Basée à Lyon, elle fédère des structures locales indépendantes, quand le siège parisien de la SPA centralise tout.

(2) La dépense publique varie entre 0,15 euro et 0,76 euro par habitant.

http://www.liberation.fr/societe/2002/06/29/derives-ethiques-a-la-spa_408676