Après la Cour des comptes, c'est au tour de l'AFA de s'intéresser à l'association de protection des animaux, en pleine crise de gouvernance.
Après la Cour des comptes, c'est au tour de l'Agence française anticorruption (AFA), créée fin 2016 et rattachée aux ministères des Finances et de la Justice, de s'intéresser à la Société protectrice des animaux (SPA). Selon nos informations, plusieurs enquêteurs se sont déplacés, ces dernières semaines, pour mener une série d'auditions. Les documents comptables de l'association doivent également être épluchés. D'après l'AFA, il ne s'agirait que d'un contrôle de routine qui entre dans le cadre de ses attributions. Rien à voir, donc, avec la crise de gouvernance qui affecte l'association depuis des mois...
Plusieurs des personnes interrogées par l'AFA l'ont pourtant été au moment même où elles prenaient – volontairement ou non – la porte. Et après avoir dénoncé des « dysfonctionnements » dans la gestion de la SPA. « Ils nous ont dit qu'ils exécutaient un travail de contrôle classique. Je ne pense pas que c'était prémédité, mais l'Agence anticorruption m'a appelé juste après mon entretien préalable à licenciement ! » témoigne un ancien cadre, licencié cet automne. « Il y a, c'est vrai, une certaine concomitance des faits », abonde un autre.
1,1 million d'euros
Les questions ont notamment porté sur les conclusions d'un rapport de la Cour des comptes, écrit au vitriol, et rendu public en mars 2017. Les magistrats financiers s'étaient en effet étonnés de la somme « disproportionnée » – 1,1 million d'euros – perçue par l'administratrice judiciaire nommée pour redresser une SPA aux abois entre fin 2009 et juin 2013. À la suite de ce rapport, pourtant accablant, la SPA n'aurait réclamé aucune remise d'honoraires à l'administratrice judiciaire.
L'Agence française anticorruption s'intéresse également à la passation des marchés publics. « Tous les vieux dossiers y sont passés », explique une personne auditionnée. Les liens de Natacha Harry, l'actuelle présidente bénévole de la SPA, avec Pedigree, une entreprise du groupe Mars, ont ainsi été questionnés. Avant son élection à la tête de la SPA, en juin 2013, la journaliste Natacha Harry était en effet ambassadrice de la marque de nourriture pour chiens et aurait continué à honorer son contrat pendant quelques mois après son arrivée.
« Graves dysfonctionnements »
Or, selon une enquête du Parisien publiée en 2016, jamais les liens entre le groupe Mars et la SPA n'ont « paru aussi forts » que depuis la prise de pouvoir de Natacha Harry. La marque Royal Canin (qui appartient elle aussi au groupe Mars) est devenue omniprésente dans les campagnes de promotion de la cause animale, relèvent plusieurs militants. Des arguments qui doivent cependant être relativisés : « Royal Canin était le fournisseur de la SPA avant l'arrivée de Natacha. (…) Le grief n'a finalement pas été retenu par la Cour des comptes », tient à tempérer une source proche du dossier.
Au cœur des interrogations de l'AFA figure également le contrat d'image de la SPA passé avec Image 7, une entreprise de communication. En février dernier, tandis qu'il était mis à pied à titre conservatoire pour une remarque jugée sexiste et un « défaut de loyauté », le directeur général Joël Pain avait mis le feu à l'institution en adressant une lettre au conseil d'administration. Dans sa missive, consultée par Le Monde , Joël Pain alertait sur de « graves dysfonctionnements » et affirmait que l'entreprise de communication, désignée, selon lui, sans appel d'offres, avait touché 450 000 euros depuis décembre 2013. Pourquoi et au bénéfice de qui ? C'est à ces quelques questions que l'AFA entend bien répondre.
Natacha Harry se défend sur le plateau de Morandini
Natacha Harry se défend sur le plateau de Morandini
La semaine dernière, la présidente de la SPA a tenté d'éteindre l'incendie en accordant une interview à Jean-Marc Morandini, sur CNews. Natacha Harry est longuement revenue sur le cas de Céline Ravenet, directrice du refuge d'Hermeray, connue pour avoir choisi Nemo, le chien du couple Macron. Très populaire, cette dernière a fait l'objet, mi-mai, d'une procédure de licenciement pour avoir euthanasié hors procédure une dizaine de chiens dangereux et pour avoir masqué administrativement leur mort en faisant comme s'ils avaient été adoptés. « Nous lui reprochons d'avoir euthanasié des animaux sans raison. (…) Cela veut dire que ce sont des animaux qui n'avaient qu'un droit, celui de vivre et de partir vers une nouvelle aventure, vers une nouvelle histoire », a taclé la présidente.
« C'est une honte de procéder ainsi », a ajouté Natacha Harry, les larmes aux yeux, en précisant qu'un « discrédit total » avait été « jeté sur l'ensemble de la protection animale ». Et avant d'affirmer qu'elle ne se représenterait pas à la tête de la SPA, ce qu'elle ne peut de toute façon pas faire (les statuts interdisant plus de deux mandats consécutifs). En réalité, l'euthanasie des chiens dangereux, un sujet sensible, est en forte baisse depuis plusieurs années.
Reste qu'une procédure extrêmement stricte a été prise en 2014 pour donner à la SPA l'image d'une institution qui fait tout son possible pour préserver la vie des animaux, aussi dangereux et inaptes à la vie en communauté soient-ils. Une politique parfois critiquée en interne, certains militants et salariés, au fait du terrain, estimant que, dans des cas extrêmes, il faut pouvoir euthanasier les chiens qui n'ont aucune chance d'être adoptés et qui prennent la place d'autres animaux retenus en fourrière.
Céline Ravenet a choisi de s'affranchir de certaines règles. « Mais elle l'a fait pour le bien des animaux, parce qu'elle les connaît et qu'elle est à leur contact tous les jours. C'est une personne de qualité », assure au « Point » une source qui suit attentivement l'affaire. La question d'une réforme de la procédure conduisant à l'euthanasie n'est d'ailleurs pas nouvelle. Selon nos informations, elle avait été posée à plusieurs reprises à l'oral, ces derniers mois, en marge de conseils d'administration.
http://www.lepoint.fr/societe/la-spa-sous-le-coup-d-un-controle-de-l-agence-francaise-anticorruption-28-05-2018-2222037_23.php
Après la Cour des comptes, c'est au tour de l'Agence française anticorruption (AFA), créée fin 2016 et rattachée aux ministères des Finances et de la Justice, de s'intéresser à la Société protectrice des animaux (SPA). Selon nos informations, plusieurs enquêteurs se sont déplacés, ces dernières semaines, pour mener une série d'auditions. Les documents comptables de l'association doivent également être épluchés. D'après l'AFA, il ne s'agirait que d'un contrôle de routine qui entre dans le cadre de ses attributions. Rien à voir, donc, avec la crise de gouvernance qui affecte l'association depuis des mois...
Plusieurs des personnes interrogées par l'AFA l'ont pourtant été au moment même où elles prenaient – volontairement ou non – la porte. Et après avoir dénoncé des « dysfonctionnements » dans la gestion de la SPA. « Ils nous ont dit qu'ils exécutaient un travail de contrôle classique. Je ne pense pas que c'était prémédité, mais l'Agence anticorruption m'a appelé juste après mon entretien préalable à licenciement ! » témoigne un ancien cadre, licencié cet automne. « Il y a, c'est vrai, une certaine concomitance des faits », abonde un autre.
1,1 million d'euros
Les questions ont notamment porté sur les conclusions d'un rapport de la Cour des comptes, écrit au vitriol, et rendu public en mars 2017. Les magistrats financiers s'étaient en effet étonnés de la somme « disproportionnée » – 1,1 million d'euros – perçue par l'administratrice judiciaire nommée pour redresser une SPA aux abois entre fin 2009 et juin 2013. À la suite de ce rapport, pourtant accablant, la SPA n'aurait réclamé aucune remise d'honoraires à l'administratrice judiciaire.
L'Agence française anticorruption s'intéresse également à la passation des marchés publics. « Tous les vieux dossiers y sont passés », explique une personne auditionnée. Les liens de Natacha Harry, l'actuelle présidente bénévole de la SPA, avec Pedigree, une entreprise du groupe Mars, ont ainsi été questionnés. Avant son élection à la tête de la SPA, en juin 2013, la journaliste Natacha Harry était en effet ambassadrice de la marque de nourriture pour chiens et aurait continué à honorer son contrat pendant quelques mois après son arrivée.
« Graves dysfonctionnements »
Or, selon une enquête du Parisien publiée en 2016, jamais les liens entre le groupe Mars et la SPA n'ont « paru aussi forts » que depuis la prise de pouvoir de Natacha Harry. La marque Royal Canin (qui appartient elle aussi au groupe Mars) est devenue omniprésente dans les campagnes de promotion de la cause animale, relèvent plusieurs militants. Des arguments qui doivent cependant être relativisés : « Royal Canin était le fournisseur de la SPA avant l'arrivée de Natacha. (…) Le grief n'a finalement pas été retenu par la Cour des comptes », tient à tempérer une source proche du dossier.
Au cœur des interrogations de l'AFA figure également le contrat d'image de la SPA passé avec Image 7, une entreprise de communication. En février dernier, tandis qu'il était mis à pied à titre conservatoire pour une remarque jugée sexiste et un « défaut de loyauté », le directeur général Joël Pain avait mis le feu à l'institution en adressant une lettre au conseil d'administration. Dans sa missive, consultée par Le Monde , Joël Pain alertait sur de « graves dysfonctionnements » et affirmait que l'entreprise de communication, désignée, selon lui, sans appel d'offres, avait touché 450 000 euros depuis décembre 2013. Pourquoi et au bénéfice de qui ? C'est à ces quelques questions que l'AFA entend bien répondre.
Natacha Harry se défend sur le plateau de Morandini
Natacha Harry se défend sur le plateau de Morandini
La semaine dernière, la présidente de la SPA a tenté d'éteindre l'incendie en accordant une interview à Jean-Marc Morandini, sur CNews. Natacha Harry est longuement revenue sur le cas de Céline Ravenet, directrice du refuge d'Hermeray, connue pour avoir choisi Nemo, le chien du couple Macron. Très populaire, cette dernière a fait l'objet, mi-mai, d'une procédure de licenciement pour avoir euthanasié hors procédure une dizaine de chiens dangereux et pour avoir masqué administrativement leur mort en faisant comme s'ils avaient été adoptés. « Nous lui reprochons d'avoir euthanasié des animaux sans raison. (…) Cela veut dire que ce sont des animaux qui n'avaient qu'un droit, celui de vivre et de partir vers une nouvelle aventure, vers une nouvelle histoire », a taclé la présidente.
« C'est une honte de procéder ainsi », a ajouté Natacha Harry, les larmes aux yeux, en précisant qu'un « discrédit total » avait été « jeté sur l'ensemble de la protection animale ». Et avant d'affirmer qu'elle ne se représenterait pas à la tête de la SPA, ce qu'elle ne peut de toute façon pas faire (les statuts interdisant plus de deux mandats consécutifs). En réalité, l'euthanasie des chiens dangereux, un sujet sensible, est en forte baisse depuis plusieurs années.
Reste qu'une procédure extrêmement stricte a été prise en 2014 pour donner à la SPA l'image d'une institution qui fait tout son possible pour préserver la vie des animaux, aussi dangereux et inaptes à la vie en communauté soient-ils. Une politique parfois critiquée en interne, certains militants et salariés, au fait du terrain, estimant que, dans des cas extrêmes, il faut pouvoir euthanasier les chiens qui n'ont aucune chance d'être adoptés et qui prennent la place d'autres animaux retenus en fourrière.
Céline Ravenet a choisi de s'affranchir de certaines règles. « Mais elle l'a fait pour le bien des animaux, parce qu'elle les connaît et qu'elle est à leur contact tous les jours. C'est une personne de qualité », assure au « Point » une source qui suit attentivement l'affaire. La question d'une réforme de la procédure conduisant à l'euthanasie n'est d'ailleurs pas nouvelle. Selon nos informations, elle avait été posée à plusieurs reprises à l'oral, ces derniers mois, en marge de conseils d'administration.
http://www.lepoint.fr/societe/la-spa-sous-le-coup-d-un-controle-de-l-agence-francaise-anticorruption-28-05-2018-2222037_23.php